Souvorov


Alexandre Vasilyevich Souvorov (Алекса́ндр Васи́льевич Суво́ров) (1730 - 1800), comte de Rymnik, prince d'Italie, comte du Saint-Empire Romain Germanique, généralissime au service de l'Empire russe



Souvorov est l'un des rares généraux à n'avoir jamais été vaincu, à l'instar d'Alexandre le Grand, de Sylla, de Khalid ibn al-Walid, de Gengis Khan et de Davout. Il devint également célèbre pour son ouvrage, La science de la victoire, où il compila et résuma ses principes militaires en formules simples et accrocheuses: «La balle est une chose folle, seule la baïonnette sait ce qu'il en est», «Meurs, mais sauve ton camarade!» ou encore «Ce qui est dur à l'entraînement sera facile pendant la bataille». Il enseigna à ses hommes à être excessivement offensifs: «Attaquez avec le fer! Poussez avec la baïonnette!». Il était particulièrement proche de ses hommes, les gratifiant du titre de «frères», et rendait «l'inspiration» à l'origine de ses plans et stratégies géniaux.
Né d'une famille noble de Novgorod, fils d'un officier supérieur distingué, il fut élevé à l'école des Cadets de Saint-Pétersbourg. Entré au service à l'âge de 13 ans, après avoir passé par tous les grades inférieurs, il est colonel à 32 ans.
Il sert d'abord en Finlande contre les Suédois puis se distingue contre les troupes prussiennes durant la Guerre de Sept Ans. En 1759, il participe à la bataille de Kunersdorf, où les Russes remportent une grande victoire contre Frédéric II de Prusse. Souvorov y démontre son courage et son opiniâtreté. En 1762, il devient colonel.
En 1768, il sert en Pologne à l'occasion de la guerre de la Confédération de Bar. Ses troupes dispersent les forces polonaises et s'emparent de Cracovie. Les campagnes de 1769 à 1772, qui précédent le premier démembrement de la Pologne, lui valent le grade de général major et la décoration de l'ordre d'Alexandre Nevski.
En 1773, Souvorov est envoyé en Crimée où la guerre contre les Turcs sévit depuis 1768. Il s'y bâtit une réputation d'invincibilité en écrasant l'armée tatare à Kozludji.
Rappelé en Prusse, après la guerre de Pologne, dans laquelle les confédérés polonais luttent contre l'envahisseur russe, Souvorov contribue à la défaite de l'armée de Pougatchev, qui avait soulevé des peuplades de Cosaques et de Tartares, dévasté et soumis une vaste étendue de pays, et qui, secondé par les moines et les mécontents de l'intérieur, se flattait déjà de placer sur sa tête la couronne sanglante de Pierre III, dont il avait pris le nom.
Arrivé dans la région du Don, il s'empare du chef cosaque rebelle que des traîtres lui ont livré pour la somme de 100 000 roubles. Il est le premier à l'interroger puis le ramène dans une cage à Moscou où il sera décapité.
De 1777 à 1783, Souvorov continue à se distinguer en Crimée et dans le Caucase. Il soumet entre autres une révolte de tribus caucasiennes en 1780.
Lieutenant général après la victoire remportée sur les Turcs, sous les murs de Silistrie, il soumit, en 1783, les Tartares du Kouban et de Badzinck, et leur fit prêter serment de fidélité à sa souveraine.
Ses exploits le font monter en grade. Il est promu lieutenant général en 1780 et général d'infanterie en 1783, il est récompensé par la grand-croix de l'Ordre de Saint-Vladimir et par le portrait de Catherine II de Russie, que l'impératrice lui envoit enrichi de diamants.
En 1787, suite à l'annexion de la Crimée par les Russes, la Turquie déclare la guerre à la Russie. Catherine II veut d'abord s'emparer d'Otchakov, qui contrôle l'embouchure du Dniepr. C'est Souvorov qui y est envoyé. Le général vainc d'abord ses adversaires à Kinburn. Puis il assiège Otchakov dont il s'empare en 1788.
Il franchit ensuite le Prut, battant les Turcs successivement à Focşani et à la rivière Râmnic. Par la suite, il sera nommé comte d'Otchakov et comte Rymnitski.
Après les victoires remportées par les Russes et les Autrichiens réunis, pendant les années 1788 et 1789, une place importante résistait, c'était Izmail, la plus importante forteresse turque sur le Danube et l'une des plus importantes d'Europe.
En 1790, Souvorov assiège Izmail. Le 7 décembre, il donne un ultimatum de 24 heures aux assiégés sinon ce sera l'assaut et la mort. Les Turcs refusent de se rendre; Souvorov la prend d'assaut. Pendant trois jours, il laisse ses soldats massacrer les civils de la ville.
Le traité d'Iași de 1792 donne aux Russes tout le littoral de la mer Noire entre Azov et le Kouban, comprenant les embouchures du Dniestr et du Bug.
Après la paix russo-turque, Souvorov est de nouveau transféré en Pologne où vient d'éclater une insurrection menée par Tadeusz Kosciuszko. Chargé par Catherine II de l'écraser, il s'y engage avec ardeur. Souvorov avait donné à Izmaïl une preuve d'obéissance qui devait le faire préférer à tous les généraux russes pour cette mission. Ce fut lui, en effet, qui fut chargé d'entrer dans ce pays, avec un nombreux corps d'armée, pour seconder les opérations du général de Fersen, qui venait déjà d'accabler, par ses forces supérieures, la petite armée polonaise.
Il remporte d'abord la bataille de Maciejowice où il réussit à faire prisonnier Kosciuszko lui-même. Sa faible troupe était vaincue et dispersée. Souvorov n'était pas chargé de vaincre, mais d'anéantir.
Attaquant, avec sa fougue ordinaire, tous les corps polonais qui tenaient la campagne, il marche droit sur Varsovie, qu'il encercle. Le 4 novembre 1794, une foule de citoyens tente de lui résister dans le faubourg de Praga. L'assaut est donné, l'armée russe marche sur sept colonnes, s'empare, dès la première attaque, des fortifications qu'une artillerie insuffisante défendait et sur ordre de Catherine II de Russie, massacre près de 9 000 citoyens.
Après la prise de la ville, la tsarine le nomme feld-maréchal. Il commande Varsovie jusqu'à sa rentrée à Saint-Pétersbourg en 1795.
Malheureusement pour Souvorov, sa souveraine, pour laquelle il professait un véritable culte, meurt d'une attaque d'apoplexie foudroyante: il la regrettera amèrement pendant les dernières années de sa vie. Le 17 novembre 1796, Paul Ier succède à Catherine II.
Paul Ier commença son règne par faire des innovations dans le système militaire, qui déplurent à toute l'armée et particulièrement à Souvorov. Voulant se débarrasser des familiers de sa mère, il renvoie Souvorov qui tombe en semi-disgrâce.
Le feld-maréchal profite de sa retraite pour publier un livre, L'art de la victoire, contenant ses idées sur la guerre. Il était disgracié et exilé dans ses terres.
En 1798, la Russie, alliée à la Grande-Bretagne et à l'Autriche, soutenus par la Turquie, déclare la guerre à la France. Paul Ier rappelle Souvorov, à la demande expresse de François Ier d'Autriche. Celui-ci voudrait le voir commander les troupes qui assureront la reconquête de l'Italie, dont Napoléon Bonaparte vient de s'emparer.
Le 18 avril 1799, il prend le commandement en chef des armées combinées austro-russes. À la tête d'une armée russo-autrichienne, Souvorov entre donc en Italie au printemps 1799.
À l'automne, Souvorov passe le col du Saint-Gothard afin de soutenir le général Korsakov qui s'apprête à envahir la France. Mais Korsakov, mal soutenu par les Autrichiens jaloux des succès de Souvorov, s'est fait battre le 25 septembre par les troupes du général André Masséna à la bataille de Zurich. Les Russes sont alors obligés de se replier vers le Vorarlberg.
Choqué, Paul Ier dissout l'alliance et rappelle Souvorov. C'est alors que le feld-maréchal se décide à abandonner les Autrichiens à eux-mêmes et à ramener à son souverain les faibles restes de l'armée confiée à son commandement. Mais la retraite sur Lindau présentait de sérieuses difficultés.
Après des peines et des fatigues inouïes, Souvorov parvient en Allemagne avec les restes d'une armée naguère brillante et victorieuse.
En apprenant la retraite du feld-maréchal, Paul Ier approuve sa conduite, il annonce hautement l'intention de célébrer ses victoires en Italie en faisant entrer Souvorov à Saint-Pétersbourg sous un arc de triomphe; mais tout à coup les dispositions de l'empereur changèrent, et au lieu d'une entrée triomphale, le tsar, jaloux de sa popularité, annule la cérémonie. Il lui fait même l'injure de le dégrader.
Souvorov, après avoir séjourné, pendant le mois de janvier de l'année 1800, à Prague où il eut plusieurs conférences avec le général autrichien Bellegarde et l'ambassadeur britannique Spencer Smith, et où il célébra le mariage de son fils avec une princesse de Courlande, continua de rouler vers Saint-Pétersbourg, d'après les ordres précis de Paul Ier, déterminé à rompre avec la coalition qu'il accusait de l'avoir trahi et qui s'indignait de voir un feld-maréchal russe en rapport avec un diplomate anglais, quand lui, empereur, renvoyait au cabinet britannique, percée de son épée, la dépêche par laquelle on lui refusait la souveraineté promise de l'île de Malte.
Au lieu des honneurs qu'il attendait et qui lui étaient dus, Souvorov trouva un ordre d'exil; ce fut secrètement et de nuit qu'il entra dans la capitale de l'empereur, et il ne fit que traverser Saint-Pétersbourg pour aller chercher un asile auprès d'une de ses nièces. Forcé de s'éloigner, le vieux guerrier, accablé de chagrin, se retira dans sa terre de Pollendorff dans le gouvernement d'Estland, où il ne languit que peu de temps; tombé dangereusement malade, il fut bientôt aux portes du tombeau.
L'empereur, se repentant alors de sa conduite injuste et cruelle envers un homme qui avait couvert de gloire les armées russes, l'envoya visiter par ses deux fils, Alexandre, depuis empereur, et Constantin, qui avait partagé avec le feld-maréchal une partie des dangers de la dernière campagne.
C'est dans la quasi-pauvreté que l'un des plus grands généraux de son temps décède le 18 mai 1800.
Après la mort de Paul Ier, Alexandre Souvorov est vite reconnu par la Russie entière comme un grand héros et le plus grand génie militaire de l'histoire du pays. Au XIXe siècle comme au XXe siècle, il sera une source d'inspiration pour tous les généraux.
Un musée militaire à son nom est ouvert en 1908 à Saint-Pétersbourg. Des monuments lui sont érigés à Saint-Pétersbourg, Otchakov, Izmaïl, Ladoga, Kherse, Simferopol, Kaliningrad, Rymnick et dans les Alpes suisses. Le 29 juillet 1942, Le Présidium du Soviet Suprême crée l'Ordre de Souvorov afin de récompenser le succès d'actions offensives contre des forces supérieures ennemies. Le premier récipiendaire est le maréchal Georgui Joukov. Un cuirassé de la Marine impériale de Russie porta le nom de Knyaz Souvorov en l'honneur du maréchal.
La vie de Souvorov fut austère et dure.
À Vérone, il refusa l'appartement qu'on lui avait préparé et en choisit un autre beaucoup plus simple, dont il fit enlever les glaces comme un objet de luxe qui blessait ses yeux. Il ne portait son uniforme que dans les occasions où il s'agissait de faire respecter en lui le général des armées de son souverain; dans toutes les autres, ou le trouvait vêtu de toile, ou, dans les plus grands froids, d'une pelisse en peau de mouton. Mais, par un contraste frappant, quand, dans les jours d'apparat, il quittait sa peau de mouton, pour le grand uniforme de feld-maréchal, il se chargeait d'ornements, de tous ses cordons, de ses plaques en diamants et décorations de toute espèce, attachait à son chapeau une aigrette en brillants qui lui avait été donnée par Catherine, et à son cou le portrait de cette princesse.
Souvorov possédait un assez grand fonds d'instruction et parlait avec facilité plusieurs langues, mais il se refusait aux longues écritures diplomatiques et politiques. «La plume sied mal, disait-il, dans la main d'un soldat.» On s'occupait à la cour de l'originalité de caractère de Souvorov, de sa manière de vivre, de la singularité de son langage et de la rudesse de ses mœurs. Sa mise aussi prêtait aux sarcasmes des courtisans qui ne l'aimaient pas. Les soldats adoraient un chef qui partageait toutes leurs fatigues, qui vivait au milieu d'eux sans faste, sans recherche et aussi simplement qu'eux-mêmes. Connaissant tout l'empire de la religion, de la superstition même sur les soldats russes, il obligeait les officiers à réciter le soir, après la retraite, des prières publiques devant leurs troupes. Aussi actif qu'audacieux, il possédait au suprême degré l'art d'exalter l'enthousiasme du soldat et de l'attacher à sa destinée.
Minutieux et sévère dans le service, il voulait, avec raison, que la discipline fût rigoureuse et que l'obéissance envers le chef fût exacte et absolue.
Souvorov avait une fortune immense, mais on n'eut à lui reprocher aucune déprédation; tout ce qu'il possédait lui avait été donné par Catherine.
L'empereur Alexandre, aussitôt son avènement au trône, rendit à Souvorov la justice que Paul Ier, son père, lui avait refusée. Il lui fit élever une statue, et tous les anciens compagnons d'armes du feld-maréchal furent appelés à l'inauguration de ce monument. Le grand duc Constantin, qui participait un peu de la nature de Souvorov, prononça publiquement, en présence des troupes assemblées, l'éloge du vieux guerrier; tous les corps de l'armée, en défilant devant la statue, lui rendirent les honneurs militaires que le feld-maréchal recevait de son vivant.
Marié assez jeune, Souvorov avait aimé sa femme à l'idolâtrie: elle exerçait sur lui un empire absolu. Sa faiblesse pour son fils était également extrême.
Personnalité exceptionnelle, adulé par ses soldats, admiré par les grands capitaines de son temps, ce petit homme (il mesurait à peine 1,60 m) n'a jamais subi de défaite de toute sa carrière. Tacticien hors pair, il remporta la plupart de ses batailles avec parfois des effectifs inférieurs en nombre à ceux de ses adversaires, jouant sur l'audace, la rapidité, la mobilité, et surtout cherchant à inculquer à ses hommes une éducation militaire faite d'esprit d'initiative et de responsabilisation, au rebours de l'éducation militaire prussienne, brutale, rigide et lourde de l'armée de Frédéric II (toujours battue par Souvorov), considérée pourtant à l'époque comme un modèle d'efficacité. Son génie militaire, étayé par un palmarès de victoires sans précédent dans l'histoire militaire, en fait un égal d'Alexandre ou de César.





Суворов (1940)

Le souvaroff, pâtisserie réalisée à base de deux sablés en forme de lunettes superposés, traditionnellement fourrés à la confiture, fut ainsi nommé par ou d'après Souvorov à une époque (début du XXe siècle), où la cuisine russe était à la mode. Or ce biscuit n'a en réalité rien de russe.
Le général Souvorov, grand amateur de thé, aimait prendre sa boisson préférée avec des biscuits. Face à son plus grand rival, le général Alexandre Danilovitch Menchikov qui descendait d'une famille de pâtissiers moscovites, il aurait cherché à gagner les faveurs de la tsarine Catherine II et rapporté d'Italie cette pâtisserie en lui donnant son nom.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire